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Dialogue: l’agenda caché de l’Opposition

Dialoguons! L’appel est lancé et des initiatives se mettent déjà en branle. L’Église du Christ au Congo -ECC- aura été la première à se lancer après le grave échec de désignation d’un candidat à la succession de Corneille Nangaa à la Commission électorale nationale indépendante -CENI.

Attendue pour rassembler les fidèles citoyens et ramener paix et concorde, l’Eglise se sera malheureusement montrée comme l’épicentre “crisogène” de ces dernières semaines autour de la direction de la centrale électorale.

A la suite des protestants, un groupe de députés, toutes tendances confondues, et d’activistes de la Société civile travaille aussi sur une initiative du genre.

Les récentes manifestations publiques, aussi bien sur le cas Ronsard Malonda -qui n’aura finalement été qu’un prétexte- que sur les divergences internes à la coalition FCC-CACH au pouvoir, sont venues comme pour attester de la nécessité ou l’exigence d’un dialogue. Seulement, comme toujours, personne ne prend l’initiative d’esquisser l’objet même d’un tel forum, sa finalité et, surtout, les protagonistes. En sorte qu’on ne devrait pas s’étonner d’assister à une nouvelle crise autour de ces fameux pourparlers, surtout si, par malheur, certains n’en passent pas la porte.

La main noire de Lamuka et son agenda caché

Dans cet imbroglio, un peu comme des couteaux se multiplient lorsque l’éléphant est à terre, un activisme d’arrière-garde tend à prospérer sur la crise dans le subtil objectif de créer les conditions de réalisation de certains agendas.

Dans ce jeu des dominos se profile en subliminale le regroupement Lamuka. De guerre lasse après la campagne de légitimation du pouvoir non arraché par Martin Fayulu, la plate-forme genevoise passe pour le plus grand bénéficiaire des dernières agitations de rue. Non seulement qu’elle en tire une nouvelle visibilité pour pouvoir remettre pied dans le débat politique réel après les rase-mottes des salons diplomatiques occidentales mais, en plus, elle est parvenue à s’insérer comme protagoniste dans le nouvel enjeu autour du dialogue.

L’on se souvient, en effet, du “plan de sortie de crise” de Martin Fayulu qui se déclinait littéralement en termes de recomposition des institutions inférant une redistribution des cartes dans le cadre d’une sorte de transition.

Une démarche tendant clairement à mettre une croix sur l’ordre politique et institutionnelle issue des élections de 2018, autant que le pouvoir légitime qui en était issu. Et surtout d’accéder aux affaires par le biais d’un nouveau partage genre 1-4, à défaut de l’avoir conquis par les urnes. 2023, c’est loin et les ressources s’amenuisent.

Certes, les querelles de ménage répétées au sein de la coalition auront facilité la tâche, non pas seulement à tous ces faucons et leurs agendas au sein de la coalition, mais aussi et surtout aux opportunistes et manipulateurs de tous bords. Ces querelles ont donc ouvert la voie à l’agenda de Lamuka qui, on le sait, porte lourdement celui des lobbies politico affairistes occidentaux ayant pour point d’encrage le nouveau code minier RD-congolais.

Un code qui, de l’avis de bien d’observateurs, constitue aujourd’hui la clé de l’indépendance économique de la République Démocratique du Congo et qui a levé les boucliers dans les milieux de ceux qui en ont perdu le contrôle des richesses minières RD-congolaises.

Pour certains analystes, le soutien claironné d’un certain Occident n’a pour finalité que de s’assurer le butin minier RD-congolais à peu de frais. Le code minier révisé a bouleversé tous les calculs et a valu une haine farouche à Joseph Kabila Kabange. Rien n’est plus douloureux qu’un coup porté à la bourse: la manne minière d’abord; le peuple congolais, on s’en fout.

Pour rappel, Martin Fayulu et Lamuka avaient proposé un plan autour de la mise sur pied d’un “haut conseil national des réformes institutionnelles”. Celui-ci ne proposait, en fait, qu’une mise entre parenthèses des institutions issues des élections et leurs animateurs par une dangereuse démarche de “délégitimation” générale de nature à livrer le pays à toute forme de prédation qui mettrait à mal son indépendance et son intégrité.

À la faveur donc de la crise politique actuelle, Lamuka aura joué des pieds et des mains pour, d’une part, pousser les opinions de la coalition FCC-CACH aux extrêmes jusqu’à affecter la légitimité qui fonde leur pouvoir, et, d’autre part, créer les conditions de re-négociation de l’exercice de ce pouvoir au détriment de la volonté du souverain primaire exprimée à travers les urnes.

Des sources dignes de foi font état d’une implication subtile de Lamuka dans les manipulations qui ont débouché sur des casses lors de la manifestation de l’UDPS le 9 juillet dernier à Kinshasa. L’objectif visé, selon ces sources, aurait été de ternir davantage l’image du parti présidentiel, en plus de la diabolisation quotidienne du FCC et son autorité morale, pour asseoir cette nécessité du dialogue.

Cet exercice aura été facilité, il faut le dire, par cette propension du parti présidentiel à prendre des libertés sur l’intégrité d’autrui et de ses biens.

Quand les pasteurs attisent les flammes

Si, pour l’ECC et les parlementaires qui appellent au dialogue, celui-ci ne doit nullement viser un quelconque partage du gâteau, l’ambition de Lamuka va bien au-delà pour toucher à l’ordre institutionnel afin de l’influencer de l’intérieur au profit de l’agenda caché pro occidental. Pour y parvenir, la plate-forme de Genève aura eu besoin d’un appoint substantiel de l’Eglise, catholique surtout, avec la charge de son influence sur une bonne frange de l’opinion.

Une alliance objective, pourrait-on dire, depuis les dernières élections où elle fut scellée sur fond de soutiens extérieurs tout aussi communs.
Alliance objective également pour les avantages que chacun pourrait tirer de l’aboutissement de cette nouvelle croisade.

En effet, aujourd’hui l’Eglise catholique ou, tout au moins, ses bonzes affairistes, ont subi un coup dur avec la gratuité de l’enseignement qui rapportait très gros au sommet de l’église en République Démocratique du Congo. Les prébendiers en soutane, qui -pour certains d’entre eux- n’ont pas de leçon à donner aux bonzes des officines dites de réveil, auront trouvé dans l’activisme politique une possibilité de se retrouver à travers les arcanes institutionnels d’où tout le monde tire des profits. Ceci n’est qu’un secret de polichinelle.

Pour autant, il est clair que la situation actuelle impose des ajustements qui aillent dans le sens d’assurer un bon fonctionnement des institutions et une prise en charge plus efficace des besoins de l’Etat et de la population.

L’enjeu de ce genre d’exercice ne s’impose pas par la rue, puisqu’il s’agit d’un exercice institutionnel dévolu principalement, et peut-être uniquement- à ceux qui gouvernent et qui sont donc censés rassurer le peuple.

Il est alors question de faire la différence entre la rue que l’on chauffe à des fins politiciennes et le choix réel du peuple qui a déjà été opéré en décembre 2018. Et le format du dialogue que l’on suggère ne se justifie nullement par des manifestations publiques, du reste largement manipulées par les politiciens.

La rue est, certes, le lieu de la revendication, mais la recomposition de l’espace politique s’opère par l’expression du souverain primaire dans les urnes.
Le peuple s’exprime à travers ses représentants élus.

Tout le reste, débats médiatiques, marches pour lesquelles bien de marcheurs ne savent pas très bien l’essence de leur motif réel, les revendications syndicales, les prêches des églises, les discussions des quartiers, etc. ne sont que des opinions éparses dont on ne peut prétendre une légitimité. En sorte qu’il devient irresponsable de chercher à se légitimer par le désordre et les voies de faits présentés comme expression populaire.

Sinon, autant revenir aux pratiques de vote par acclamation des quelques milliers de personnes rassemblés à coup de billets banque et de manipulations, sur une esplanade.

Du reste, l’Eglise n’a de leçon de démocratie à donner à personne: au Vatican, le Pape n’est élu que par quelques cardinaux, qui prétendent porter le choix de millions de fidèles.

Dialogue pourquoi et entre qui?

Pourquoi donc dialoguer et dialoguer avec qui? Puisque le principe du dialogue s’impose par la crise qui affecte le bon fonctionnement de l’Etat, il devrait concerner en premier lieu les partenaires à la gouvernance que sont le FCC et CACH, et non servir de strapontins pour des outsiders pour qui 2023 est encore bien loin.

Pourquoi les deux autorités morales de la coalition au pouvoir, feraient elles appel au voisin pour mettre de l’ordre dans leur coalition? Dialoguer, oui. Pour aplanir les divergences mais seulement entre ceux qui ont scellé une alliance et qui partagent une vie commune; les partenaires de la coalition. Lamuka n’en fait pas partie. Les églises non plus.

Les premiers devraient plutôt s’organiser et penser aux prochaines échéances. Et les seconds, s’atteler au salut des âmes de leur fidèles, en commençant par se refaire une image de sainteté, largement écornée par de nombreux impairs.

Natine K.

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