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Claudel André Lubaya: «la MP veut instaurer une démocratie des riches»

Le président de l’Union démocratique africaine Originelle -UDA Originelle-, Claudel André Lubaya, ne croit pas en la bonne volonté de la majorité au pouvoir d’organiser des élections crédibles, libres, transparentes et apaisées en 2018 en RD-Congo. Il accuse la Majorité présidentielle -MP- de tentative d’instauration d’une démocratie des riches. Il en veut pour preuve, le vote de la Loi électorale contestée par l’Opposition, une loi qu’il juge discriminatoire, car ayant institué le seuil légal de représentativité à 1% au niveau national et une caution de 1000 USD par candidat à la députation nationale. En marge de la cérémonie d’échange des vœux au siège de son parti, à Kinshasa Kasa-Vubu, samedi 27 janvier 2017, il s’est confié à «AfricaNews» et a réagi au point de presse de Joseph Kabila. Il décrète 2018, une année de victoire pour son parti aux prochains scrutins. Cadre de la Dynamique de l’Opposition et du Rassemblement/Limete, Claudel André Lubaya est député national élu de la ville de Kananga et ancien gouverneur de l’ex-Kasaï Occidental. Entretien.

Monsieur le président de l’UDA Originelle, sous quels signes placez-vous l’année 2018 pour laquelle vous avez réuni les cadres et militants pour cette cérémonie d’échange des vœux?
A l’UDA Originelle, 2018 est une année de victoire, car le parti devra parvenir à ses objectifs, notamment conquérir le pouvoir et redonner la dignité aux RD-Congolais. Et pour y parvenir, nous devons relever trois défis. D’abord, construire notre parti sur l’ensemble de 26 provinces que comporte le pays. Puis, poursuivre le recrutement au niveau de Kinshasa, à l’intérieur du pays ainsi que dans les milieux de la Diaspora RD-congolaise. Et enfin, nous devons nous préparer aux prochaines élections via notre cellule électorale afin que nous ne soyons pas surpris. Pour relever ces défis, le parti a besoin de l’engagement et de la détermination de chaque cadre et chaque militante et militant. Nos listes électorales doivent être prêtes. C’est le message que nous avons annoncé au cours de cette cérémonie d’échange des vœux.
A vous entendre parler, vous vous inscrivez dans la logique du Président de la République qui a dit que les élections sont irréversibles cette année au regard du calendrier électoral publié par la CENI donnant rendez-vous aux électeurs et éligibles le 23 décembre 2018?
Il ne faut pas rêver des élections avec Kabila à la tête de ce pays. Nous savons tous que les élections constituent la seule voie pour l’UDA Originelle de conquérir le pouvoir. Nous nous préparons pour les élections comme nous venons de le dire ci-dessus. Mais dans le contexte actuel, telles que les choses se présentent, il y a beaucoup de risques, de raisons de croire et de parier que le pouvoir en place n’a pas la volonté et n’est pas disposé à organiser les élections. Lorsque vous analysez les signes de temps, lorsque vous observez la situation, il y a des évidences qui ne trompent pas. Le pouvoir en place n’est pas prêt pour les élections. Parce qu’il n’est pas prêt, nous n’allons pas le laisser maintenir le pays dans cette situation. Les élections ne sont pas la volonté d’un individu, fut-il Chef de l’Etat, ni un acte de bonne foi ou de bonne volonté d’un individu, fut-il Président de la République. Les élections, c’est d’abord un droit et même un devoir pour tout citoyen, l’occasion rêvée de sanctionner les dirigeants en place et les autres candidats. C’est la raison pour laquelle nous devons redoubler d’engagement pour participer à toutes les actions devant conduire à la préparation et à l’organisation des élections. Pour preuve, le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018, l’UDA Originelle a été dans rue aux côtés des chrétiens et elle sera davantage dans la rue pour réclamer l’application de l’Accord de la Saint-Sylvestre.
Comment vous croire quand vous dites que le pouvoir en place ne veut pas organiser des élections quand on sait qu’après la publication du calendrier électoral par la CENI, le Parlement a voté la Loi électorale qui a été également promulguée par le Chef de l’Etat en décembre dernier?
A l’UDA Originelle en particulier et à l’Opposition en général, nous continuons à rejeter la Loi électorale révisée. Cette loi résulte d’un plan qui a été monté pour écarter de la course certaines personnalités populaires dans leurs bases. Pour cette raison, nous disons non à cette loi électorale. Et nous refusons l’élection avec ce seuil, parce qu’il a été concocté dans un objectif de donner au PPRD la possibilité de rester au pouvoir par une tricherie propre. Aussi, il y a ce qu’on appelle la caution très élevée et la machine à voter. La Constitution est claire: l’élection est manuelle, pas électronique. Mais Corneille Nangaa, président de la CENI, veut instaurer la machine à voter pour voler des voix. Cette machine est préparée pour valider des résultats qu’eux-mêmes auraient déjà paramétrés. Il sera difficile de contester ce qui est électronique. C’est pourquoi, nous rejetons l’élection avec la machine à voter. En 2011, la caution sur la liste était l’équivalent de 550 USD. Dans la nouvelle loi, il est prévu une caution par candidat. Ça veut dire que si à Lukunga, il y a 11 sièges à pourvoir, l’UDA-Originelle va payer 11.000 USD. La MP a les régies financières du pays avec elle, elle va présenter elle-même des candidats et veut imposer une démocratie des riches. Cette loi est porteuse des germes de discrimination. Le salaire d’un fonctionnaire est de combien pour qu’il prétende aussi être candidat? C’est une loi élaborée pour consacrer l’exclusion de certains RD-Congolais.
Le seuil légal de représentativité vous fait-il peur?
A l’UDA Originelle, le seuil de 1% ne vous impressionne pas. Nous sommes un parti politique qui a une assise. Nous avons effectué une descende au Kasaï Central pour nous enrôler, mais presque toute la population est acquise à la cause de l’UDA Originelle. Les images tournées à Kananga, Kazumba, etc., parlent d’elles-mêmes. Ceux de l’Opposition et de la Majorité présidentielle qui ont suivi notre séjour au Kasaï nous ont encouragés estimant que l’UDA Originelle a déjoué les pronostics du seuil. Ce seuil ne nous fait pas peur, nous allons le dépasser largement. Nous avons un projet de société qui prône des valeurs républicaines et démocratiques repris dans nos statuts notamment le patriotisme, la démocratie, la liberté, la solidarité, la fraternité, l’égalité, la justice et, enfin, le progrès social. Nous avons un ancrage solide au sein des populations RD-congolaises. C’est pourquoi nous réclamons des élections libres, démocratiques et transparentes, pas avec Joseph Kabila qui a déjà épuisé ses deux mandats constitutionnels.
Le point de presse tenu par le Chef de l’Etat le vendredi 26 janvier au Palais de la nation n’a-t-il pas apporté des réponses aux préoccupations de l’UDA Originelle quant au déroulement du processus électoral? 
En observant la situation actuelle du pays et en suivant son point de presse six ans après, Joseph Kabila a réuni la presse pour provoquer le peuple. Il a donné l’impression d’un passé lointain… C’est lui l’obstacle, c’est lui l’entrave pour l’avenir du Congo. Il freine le progrès de ce pays. Il a donné l’impression de s’inscrire dans le futur de la RD-Congo alors qu’il appartient à un passé très lointain. C’est un ancien président maintenu à ce poste par un accord qui a déjà expiré, qui aujourd’hui est dans ses heures supplémentaires. Son pouvoir n’a plus ni de légitimité, ni de légalité. Et, par conséquent, il ne peut pas s’inscrire dans le futur du pays, futur dont il est aujourd’hui l’obstacle majeur. Le Président de la République s’est contenté de verser dans une litanie pour tenter de répondre à certaines évidences sans donner des réponses attendues. Il s’est notamment déchargé sur l’Eglise catholique, qu’il rend responsable de la situation d’aujourd’hui, sur la MONUSCO qu’il rend responsable pour tout ce qui est radicalisation des groupes armés à l’Est du pays, sur la Comité laïc de coordination de l’Eglise catholique qu’il rend responsable de l’organisation des manifestations pour renverser le régime. Mais le Président de la République n’a exprimé aucun regret, aucun remord sur toutes ces tueries perpétrées les 19 et 20 décembre 2016, le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018. Il a tout ignoré alors qu’il porte toute la responsabilité. C’est lui le Commandant en chef, le Commandant suprême. Donc, à chaque fois qu’une balle est tirée dans la poitrine du citoyen RD-congolais, il porte la responsabilité parce que cet ordre vient de lui. «Il n’y a pas de mauvaises troupes, il n’y a que de mauvais chef», dit-on.
Partagez-vous cet avis du Chef de l’Etat selon lequel la RD-Congo n’est pas à vendre et cette affirmation qui dit que Joseph Kabila a battu campagne seul pour le vote de l’actuelle Constitution au référendum en 2005 pendant que les autres étaient restés à Kinshasa dans des bistros appelant au boycott dudit référendum?
Nous ne partageons pas cet avis. Nous constatons que l’actuel président vit dans un autre monde oubliant toutes les réalités de la RD-Congo. Lorsqu’il dit par exemple que le Congo n’est pas à vendre, en fait il oublie qu’il a déjà vendu 55% du territoire national parce que quand vous allez au Katanga, la plupart des terres et des cours d’eau ont été vendus aux compagnies minières. Quand vous allez au Bandundu, partout et dans le Kongo Central, l’Equateur, la plupart des forêts ont été déjà vendues à des compagnies forestières. Le Congo n’est plus à vendre, il est déjà vendu. La preuve est que nous les citoyens RD-congolais n’avons plus de droits. Nous n’avons plus droit à la vie, droit de manifester, de s’exprimer, il n’y a que les Chinois, Indiens, Pakistanais, Libanais qui contrôlent l’ensemble et le gros des capitaux RD-congolais. Aujourd’hui, il n’y aucun homme d’affaire RD-congolais qui est milliardaire. Kabila ignore le prix du pain, le taux du franc congolais par rapport au dollar parce qu’à l’UNIKIN le dollar se change à 920 FC, à la banque c’est à 960 FC et sur le marché à 1600 FC. Quand il dit aussi qu’il est le propriétaire de la Constitution, c’est faux. La Constitution est la loi fondamentale du pays, c’est la volonté du peuple. Quand il dit que c’est sa Constitution, il ne veut pas dire qu’il va la défendre, mais il veut la violer comme il veut. Or la Constitution du pays n’est pas sa constitution. Elle n’est pas son costume qu’il peut agrandir ou rétrécir comme il veut.
Le Président a également dit que son grand regret est de n’avoir pas pu transformer les Zaïrois en RD-Congolais. Etes-vous étonnés par cette déclaration? 
Le Président Kabila a fait une sortie manquée. Lorsqu’il dit qu’il regrette de n’avoir pas transformé l’homme RD-congolais, nous pouvons nous réjouir en tant que citoyens de n’être pas tombés dans son piège. Peut-être, il nous aurait amenés sur des voies beaucoup plus étroites. Qu’il n’ait pas réussi à transformer les RD-Congolais, c’est aussi un aveu d’échec, ça veut dire tout simplement que les RD-Congolais ne l’ont pas suivi faute de vision, faute de projet, faute de programme. Et c’est la raison pour laquelle il n’a qu’à se retirer du pouvoir pour permettre aux RD-Congolais de se choisir un nouveau dirigeant qu’ils pourront suivre et qui pourra avoir la capacité nécessaire de les transformer.

Propos recueillis par Octave MUKENDI

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