Le complexe militaro-industriel chinois se montre de plus en plus présent à Kinshasa, porté par les besoins importants de l’armée congolaise, qui combat le groupe rebelle M23 dans l’est du pays. Un moyen pour Pékin de consolider son influence établie de longue date en RDC.
Début décembre, le navire cargo Kota Bahagia, en provenance du port chinois de Tianjin, a débarqué à Matadi, en RDC, une importante quantité de matériel militaire destiné aux Forces armées de la République démocratique du Congo -FARDC. Plus de 300 containers d’armes produites par la société étatique chinoise Norinco ont été livres. Parmi elles, des fusils d’assaut Type 56 et Type 81, des mitrailleuses lourdes Type 80 et Type 85, des mortiers de divers calibres, des lots de lance-roquettes antichars PF89, a quoi s’ajoutent plusieurs tonnes de munitions. Une livraison discrète, dont l’opération est renouvelée tous les ans depuis 2009, date de la signature d’un accord militaire entre Pékin et Kinshasa. partenariat, noué sous la présidence de Joseph Kabila et maintenu par son successeur Félix Tshisekedi, prévoit une contribution à la formation des FARDC, à leur équipement et à leur casernement.
Partie émergée de cette active coopération sécuritaire, trois drones d’attaque CH-4 conçus par la firme China Aerospace Science and Technology Corp -CASC- sont récemment devenus. Déployés sur l’aéroport militaire de Kavumu, dans la province du Sud-Kivu, ces appareils ont effectué leurs premières trappes aériennes avec un certain succès. Ils ont notamment détruit des dépôts d’armement, ainsi que, le 16 janvier, un poste de commandement du groupe rebelle M23 à Kitchanga, dans le Nord-Kivu, tuant deux cadres du mouvement, dont le chef des renseignements, Élisé Mberabagabo, dit «Castro». Soutenu par le Rwanda voisin, ce groupe arme déstabilise la région, où il contrôle toujours un pan du territoire autour de la cité de Bunagana et y bouscule régulièrement les FARDC.
Drones et munitions
Pour l’état-major congolais, placé sous la férule du général Christian Tshiwewe, se pose désormais la question de compléter l’achat des drones, car la commande portait, début 2023, sur un total de neuf CH-4. Jusqu’à présent, le brocessus a étè blogue par le ministère des finances pour des raisons budgétaires. En parallèle, Pékin a récemment remis plusieurs centaines de minidrones d’observation du constructeur DJI de type Mavic 3 pour épauler les forces spéciales des FARDC et ses unités d’artillerie.
Partie intégrante de l’effort de guerre congolais dans l’est du pays, la fabrication de munitions, en partenariat avec le chinois Norinco, pourrait par ailleurs s’intensifier au cours des prochains mois. Depuis juillet, la société parapublique Africaine d’explosifs -Afridex- a commencé à produire à Likasi, dans le Haut-Katanga, des munitions de 7,62 mm et 9 mm, respectivement pour les fusils d’assaut et pistolets en service dans les rangs des FARDC.
Afridex, détenue à hauteur de 70 % par la RDC et 30 % par Norinco, est dirigée par l’amiral à la retraite Baudoin Liwanga Nyamunyobo, ancien chef d’état-major des FARDC. La société était initialement spécialisée dans la fabrication d’explosifs miniers. Depuis peu, Kinshasa a entamé des négociations avec son partenaire chinois pour se lancer, à travers Afridex, dans la production additionnelle de grenades, de roquettes et surtout d’obus de calibre 105, 122, 130 et 152 mm qui font défaut sur le front de l’Est.
Modernisation
Au cours des prochains mois, des acteurs majeurs du complexe militaro industriel chinois devraient envoyer des délégations à Kinshasa. Parmi celles-ci, les sociétés Norinco et CASC, mais également d’autres poids lourds tels que Poly Technologies, Dongfeng, Aviation Industry Corporation of China -AVIC- ou encore China State Shipbuilding Corporation -CSSC. Ces firmes ont été invitées à l’occasion de la visite officielle en Chine du président Tshisekedi, fin mai 2023, venu avec une importante délégation comprenant, notamment, Jean-Pierre Bemba, ministre congolais de la défense. Courant septembre, une mission d’évaluation issue du département logistique de l’Armée populaire de libération -APL- chinoise s’est déjà déplacée en RD-Congo. Accompagnée d’équipes de techniciens de la société Inner Mongolia First Machinery Group Corporation, celle-ci a réalisé un vaste audit portant sur le matériel militaire dont disposent les FARDC.
L’évaluation a donné lieu à des discussions sur la modernisation potentielle du parc de chars légers T-62 et de chars lourds Type 59. Autre projet évoqué à cette occasion, la remise à niveau de quatre navires patrouilleurs côtiers Shanghai 2, immobilisés dans le port de Boma -province du Kongo-Central.
Sécurocrates
Ces multiples dossiers sont attentivement suivis par une poignée de sécurocrates RD-congolais qui s’activent à développer le partenariat militaire avec la Chine. Au premier rang desquels se trouve le chef adjoint de la Maison militaire du président Félix Tshisekedi, le général Raoul Nono Ponge. En charge de l’administration et de la logistique, celui-ci seconde le général-major Franck Ntumba.
L’officier, qui s’est imposé comme un point de contact privilégié entre l’administration congolaise et les sociétés chinoises de défense, supervise tout particulièrement le contrat des drones d’attaque CH-4. Et pour cause, celui-ci a été formé sur les bancs de l’École logistique de l’armée chinoise de Nankin. Le général Kukuabo Bora, sous-chef d’état-major des FARDC chargé des opérations, est également en contact régulier avec les fournisseurs chinois. Du côté chinois, la coopération militaire avec la RDC est confiée au colonel supérieur Ma Fei, l’attaché de défense de l’ambassade de Chine à Kinshasa.
Arsenal vaste et diversifié
Depuis la signature de l’accord militaire de 2009, ce sont près de 4 700 officiers de l’armée congolaise qui, à l’instar du général Ponge, ont bénéficié de formations au sein des académies et écoles militaires chinoises. Elles concernent aussi bien le commandement -Hangpu- que la logistique -Anhui-, le génie ou encore le renseignement. Ces modules bénéficient autant à l’armée de terre qu’à l’aviation -Shenzhen- et à la marine -Hainan. Le premier accord de coopération entre Kinshasa et Pékin a été signé en 1974, sous les auspices du président Mobutu Sese Seko. Un partenariat qui a permis aux Forces armées zaïroises -FAZ-, les ancêtres des FARDC, de se constituer très for un arsenal vaste et diversifié d’armement chinois.
Avec Afrique Intelligence