ActualitésDossier à la UnePolitique

RDC: Kamerhe, le Dircab en terrain hostile

«On ne peut pas, on ne doit pas confondre un débat technique ou un débat de transparence et un acharnement sur une personne, même si cette dernière passe pour un ennemi commun. Le débat sur l’exécution des chantiers des sauts-de-mouton ne saurait devenir une occasion de lancer un référendum pour ou contre Kamerhe», conseille un député

On en parle dans les dîners en ville, dans les couloirs des ministères, dans les rédactions des médias, dans les Réseaux sociaux. On le chuchote mais on en est persuadé. On n’ose pas le citer nommément mais c’est lui la cible. On accuse Vital Kamerhe, le Directeur de Cabinet de Félix Tshisekedi, d’avoir tripoté avec le financement du Programme d’urgence des 100 jours du Président de la République. Chacun y va avec son évaluation et ses statistiques. Baudouin Mayo Mambeke, son propre lieutenant catapulté vice-premier ministre en charge du Budget, en a ajouté à la confusion quand il a affirmé samedi 8 février devant les caméras que le coût global de la réalisation des sauts-de-mouton est de 46 millions de dollars et il reste 13 millions à décaisser. Cela revient à dire que 33 millions de dollars, soit près de 71%, ont déjà été sortis des caisses de l’État pour ces chantiers de la discorde. Ces chiffres contrastent avec les 56% avancés par le même Mayo, ceux du ministre des Finances et le constat de 30% fait par le président ad intérim de l’UDPS, Jean-Marc Kabund à l’issue de l’inspection improvisée jeudi 6 février dans la capitale. «Nous notons avec inquiétude l’accroissement du budget du projet des sauts de mouton. 22 millions USD au départ, puis 45 millions USD, enfin 46 millions? Cette cacophonie confirme les conclusions de notre rapport de 100 jours», ont tweeté les responsables de l’ODEP, longtemps en contradiction avec Kamerhe autour des écarts dans les chiffres, se convainquant que seul un audit indépendant aiderait à tirer les choses au clair. Réuni vendredi 7 février en Conseil des ministres, le gouvernement a finalement décidé de diligenter un audit sur l’utilisation des fonds publics destinés à la réalisation des sauts-de-mouton. Kamerhe a également été pris pour cible après l’évocation, pendant le même Conseil des ministres, d’une autre affaire à prouver liée au décaissement des 77 millions de dollars sur base d’une pièce chiffrée à 7 millions de dollars. En attendant l’issue de cette enquête, un élu UNC exige que cessent les tirs croisés délibérés contre Kamerhe, en vertu du principe de  présomption d’innocence. «Aucun parquet n’a inculpé le Directeur de Cabinet du Président pour des faits qu’on allègue contre lui. Aucun audit n’a établi sa responsabilité dans toutes ces affaires sales dans lesquelles certains veulent l’impliquer. Personne n’a le droit de le désigner coupable avant même l’audit annoncé. Sinon, ces personnes bien identifiées qui s’acharnent sur lui doivent en donner ouvertement les raisons», tempête le député. Jusqu’où Kamerhe va-t-il engager sa responsabilité dans ce dossier qu’il a piloté pendant près de 7 mois? Quelle est sa part? Quel est le rôle de la chaine de la dépense? Qui ont été servis et à quelle hauteur? L’argent a servi à quoi? A-t-il pris une autre destination que les chantiers? Où sont passées les sociétés chargées de contrôler l’exécution des travaux? Autant de questions auxquelles l’audit tant attendu devrait répondre et pour lequel aucune spéculation ne saurait être tolérée. Il est évident que les sauts-de-mouton ne représentent pas 20% de l’ensemble du Programme d’urgence. L’idée de leur construction n’a jamais été de faire vivre l’enfer aux populations de la capitale. Il y a eu cependant des difficultés dans leur exécution. Du point de vue technique, par exemple, il fallait creuser jusqu’à 27 mètres de profondeur. Cela a pris plus de temps que prévu. Du point de vue finances, tout n’a pas non plus marché comme sur les roulettes. Il fallait en même temps faire face à la gratuité de l’enseignement, 42 millions de dollars par mois. Mais pourquoi chante-t-on tant le nom d’une seule personne, Vital Kamerhe? «On ne peut pas, on ne doit pas confondre un débat technique ou un débat de transparence et un acharnement sur une personne, même si cette dernière passe pour un ennemi commun. Le débat sur l’exécution des chantiers des sauts-de-mouton ne saurait devenir une occasion de lancer un référendum pour ou contre Kamerhe», conseille un député de Kinshasa, convaincu que la campagne s’apparente à un complot contre le leader de l’UNC.

Des tirs croisés depuis une année! 

Le constat est que depuis janvier 2019, le Directeur de Cabinet du Président de la République essuie des attaques répétées… de la part des autres membres du Cabinet venus de la Diaspora, de ses alliés de l’UDPS qui, à en croire Jeune Afrique, ont proposé le divorce d’avec l’UNC après la retraite du Centre Nganda, et de ses ennemis jurés du FCC, prêts à tout pour l’anéantir politiquement. Dans cet environnement hostile, Kamerhe doit marcher sur les œufs.

L’intéressé affirme qu’il  n’est pas n’importe qui. Il l’a dit à haute voix lors d’une récente intervention sur les antennes de Top Congo Fm. Allié et directeur de Cabinet du Président de la République Félix Tshisekedi, il passe aussi, selon les analyses faites dans certaines chancelleries, pour la caution du «deal» négocié et conclu avec Kabila. De ce point de vue, un autre député UNC estime que «seul le Président Tshisekedi peut encore faire changer les choses positivement, que ce soit en interne, au CACH, comme au niveau de la coalition avec le FCC». L’élu souhaite que «ces tirs croisés contre le plus proche collaborateur du Président, son principal allié du CACH, celui-là même qui a cru en lui avant nul autre, lui ouvrent l’esprit sur le réel, l’essentiel et non sur des postures et des luttes de positionnement. En se mettant ensemble pour une conquête commune du pouvoir, Kamerhe et Fatshi ont eu en partage l’espoir de jours plus fastes et ils doivent éviter de finir sur le cul». Inutile de rappeler que le 25 juillet 2019, Félix Tshisekedi avait déjà insisté auprès de ses collaborateurs sur la nécessité de respecter la hiérarchie et martelé que Vital Kamerhe est le seul Chef de Cabinet et qu’il n’y en a pas deux. Le 20 janvier 2020, face à la foule excitée à Londres, le Président a encore pris la défense de son allié et Directeur de Cabinet. Un décor qui laisse voir la nature du milieu  dans lequel évolue Vital Kamerhe et qui nécessite une analyse froide de la part du Président. 

MFUMU LUTUNU

Correspondance particulière

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page