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L’ONG Le Risien en guerre contre l’hydroquinone

Cela parait curieux. Il y a d’un côté les Blancs, hommes et femmes, qui envahissent les plages, les piscines et s’exposent en petite tenue au soleil, appliquant des huiles appropriées pour se bronzer. L’objectif poursuivi est de voir leur peau avoir un teint légèrement foncé. Et de l’autre côté, il y a les Noirs, également hommes et femmes mais à la peau foncée, parfois très foncée, qui, contrairement aux Blancs, sont prêts à tout pour s’éclaircir la peau: Ambi, Movate, piqure,… même des produits prohibés et extrêmement nocifs. Complexe? C’est une question de beauté, de goût et de couleur qui n’appelle à aucune discussion, dirait-on. Pourtant, si le bronzage ne représente cliniquement pas de risque, l’utilisation des produits éclaircissants, souvent à base d’hydroquinone, est dangereuse pour la peau. Depuis un moment, des voix s’élèvent pour décourager le recours à ces lotions éclaircissantes. A Kinshasa, l’ONG Le Risien en a fait son cheval de bataille.
«Certaines femmes font de la pâte avec du ciment et se l’enduisent sur toutes les parties du corps à éclaircir, puis elles enveloppent ces parties avec des sachets. Le résultat est visible dans les 24 heures qui suivent. Ce procédé est très irritant. Les personnes qui y recourent s’appliquent de l’huile de palme pour atténuer la douleur causée par l’irritation», confie Marie-Jeanne, la soixantaine révolue, la peau desséchée et cramée sur les joues.
Comme elle, des dizaines de femmes, assises sur des chaises en plastique, et d’autres taillant bavette débout dans une grande salle au siège de l’ONG Le Risien, sise au n° 2 de l’avenue Bangamelo dans la concession Ndala à Lemba sous-région, sont victimes de l’hydroquinone. Elles viennent chercher de l’aide auprès du dermatologue Richard Sita, président de cette organisation.
Approché par AfricaNews, ce jeune médecin, assis derrière son bureau, sur le mur une grosse affiche illustrant le buste d’une jeune femme à la peau caramel et l’inscription «Ngola/Crème & Savon/Traitant & Unifiant», profite de l’occasion pour informer les Kinoises et Kinois sur les dangers que représente l’utilisation continue des produits à base d’hydroquinone.
Plusieurs conséquences nocives pour la santé
Le dermatologue Richard Sita distingue d’emblée deux techniques employées pour l’éclaircissement de la peau: «il s’agit premièrement de la forme cutanée qui consiste à appliquer directement sur la peau des laits de beauté, du savon de toilette. Deuxièmement, la forme intraveineuse: des seringues sont utilisées pour injecter dans l’organisme des produits contenant des corticoïdes». Plusieurs conséquences découlent de ces deux cas: des vergetures, des gales, des boutons. Ce n’est pas tout. Diabète, hypertension et hypotension, cancer des seins, problèmes rénaux, troubles de vision complètent la liste.
«Certains sujets présentent une pigmentation non homogène sur le dos des mains et sur les plantes des pieds avec une zone très foncée aux articulations. Leurs coudes et genoux sont également foncés. Cette apparence est appelée «Makoso» -pieds de porc. Chez d’autres, apparaît une teinte très irrégulière du visage avec une hyperpigmentation autour des yeux provoquant des plaques vert-noir, se manifestant lorsque la victime est exposée sans protection au soleil, appelée couramment tampon», expliqué-t-il.
Richard Sita poursuit: «on observe aussi une pilosité autour des lèvres et sur le corps. Il y a des sujets qui se voient pousser la barbe». Chez la femme enceinte ou allaitante, ces produits présentent des risques toxiques pour l’enfant. D’où l’invitation du dermatologue à tous les Kinoises et Kinois à la prudence. A l’en croire, l’hydroquinone et ses dérivés proposés sous forme de lait, crème, savon, huile, glycérine, peuvent contenir jusqu’à 22% d’hydroquinone, alors que la dose pour un usage cosmétique ne doit pas dépasser 2%.
Conscientiser la population pour une décision responsable
«Ceux qui vendent des lotions à base de l’hydroquinone, le font pour des raisons mercantiles et ne sont pas les principales victimes des problèmes causés par ces produits. C’est plutôt la population consommatrice. Si elle est informée des conséquences de ces produits, elle ne les achètera plus et les fabricants n’en fabriqueront plus», martèle ce dermatologue. Pour lui, l’essentiel est de conscientiser la population pour qu’elle prenne une décision responsable.
L’homme est littéralement en pleine guerre contre l’hydroquinone. A ce jour, Sita a déjà initié deux campagnes: «Non à l’hydroquinone» en 2014 et «La guerre contre l’hydroquinone» en 2015. Et pour cette année, il prépare la campagne «Hydroquinone méchant». Mais son combat ne se limite pas à la communication. Le président de l’ONG Le Risien a également lancé sur le marché un savon et une crème appelés «Ngola», fait à base des plantes naturelles. Son ONG dispose d’un autre siège au n°41 de l’avenue Libération dans le quartier UPN.
Frezia KABAMBA

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