Société

Elysée Odia peint la vie de la femme RD-congolaise

Elysée Odia Ngindu est journaliste à la chaine de télévision «Congo Web» et au journal en ligne «7sur7.cd». Native de Kinshasa, elle a fait ses études secondaires au Complexe scolaire Mont-Amba. Une fois son diplôme d’Etat obtenu, elle s’est inscrite à l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication -IFASIC. «Mon passage à l’IFASIC n’était pas facile. J’ai dû refaire la 1ère et 2ème année. C’est-à-dire qu’arrivée en deuxième pour passer en troisième, toutes mes cotes ont disparu alors que je détenais les preuves de paiement. Comme j’aimais le Journalisme, je n’ai pas engagé un bras de fer avec l’institut. C’est ainsi que j’ai repris les études au niveau de la première et deuxième années de graduat», dit-elle affichant une mine sévère. Aujourd’hui, son rêve de devenir journaliste est réalité. Cependant, elle épingle les difficultés auxquelles elle fait face dans l’exercice de son métier, notamment l’accès difficile aux sources d’information. Elle dénonce aussi le harcèlement, dont les femmes sont victimes. Dans une interview accordée à «AfricaNews», Elysée Odia appelle la femme à se battre pour s’émanciper. Entretien. 
 
Madame Elysée Odia, qu’est-ce qui justifie le choix que vous avez porté sur le Journalisme à la Gombe pendant qu’à Mont-Amba où vous avez obtenu votre diplôme d’Etat il y a l’Université de Kinshasa?
J’avais de la passion pour le Journalisme et je tenais à être parmi les premières personnes qui donnent l’information aux autres. Comme j’aimais beaucoup les informations, cela m’a poussée à faire le Journalisme. Je dormais et je me réveillais avec «Radio France internationale -RFI-», ce que je fais encore aujourd’hui. Je m’intéressais à ce qui se passe dans notre pays et dans le monde. Je voulais être à la page et non être là pour apprendre les infos par l’entremise des autres. Franchement, pour moi, l’IFASIC était et reste la référence. Je ne m’imaginais pas faire le Journalisme sans passer par l’IFASIC. Je me disais que si j’escalade cette montagne qui est l’IFASIC, je parviendrai à réaliser mon rêve. Et, avec tout ce que j’ai connu comme problème de perdre des cotes pour deux années -1ère et 2ème de graduat- et les reprendre alors que j’étais censée être en 3ème année, c’est un challenge gagné pour moi.

Comment avez-vous fait vos premiers pas dans le Journalisme?
Lorsque j’ai recommencé à l’IFASIC la 1ère puis la 2ème année de graduat, j’ai commencé à animer une émission sportive au «Congo Web TV», tantôt j’étais à la réalisation avec M. Lusambo que je remercie beaucoup. C’est à partir de là que Nancy Odia m’a repérée. Elle m’a proposée de passer la voir à la Rédaction et j’y suis allée. Ainsi, elle me dira de revenir quand je vais terminer à l’IFASIC. C’est ce que j’ai fait. A mon arrivée à la rédaction de Congo Web, c’est Nancy Odia qui m’a encadrée pour concilier la théorie apprise à l’IFASIC à la pratique sur le terrain. C’est une dame de fer. Elle ne m’a pas lâché un seul instant. Il y avait aussi beaucoup d’autres journalistes, dont Ambroise Mata qui m’ont prêtés main forte. J’ai eu la chance de trouver une équipe solide à Congo Web, dont la particularité était le travail bien fait. J’ai trouvé des hommes et femmes dynamiques et attentifs à tout celui qui aimait le travail.
Vous arrive-t-il de rencontrer des difficultés dans l’exercice de votre métier?
Les difficultés auxquelles je suis confrontées ne sont pas différentes de celles que rencontrent tous mes confrères et consœurs journalistes dans notre pays -la RD-Congo. Je n’ai pas l’accès facile aux sources d’informations. Autre difficulté, c’est le harcèlement qu’on ne dit pas souvent. Les sources d’informations, femmes soient-elles, ne vous considèrent pas comme journaliste, mais d’abord comme une femme. Ici, les femmes vous considèrent comme une concurrente, rivale potentielle, et non une journaliste venue chercher l’information à la source. Il arrive que certaines d’entre nous parviennent à faire des concessions pour juste obtenir l’information. A ce stade, c’est la dignité de la femme qui est bafouée au travers de ces concessions.
Voulez-vous dire par là que ces concessions ternissent l’image de la femme  journaliste, car en faisant son métier, elle se trouve prise au piège du harcèlement de la part des hommes qui détiennent l’information à lui livrer?
Le harcèlement existe, non seulement pour la femme journaliste, mais aussi pour toutes ces femmes qui travaillent au Parlement, dans le gouvernement, dans l’administration. Le harcèlement sexuel n’est pas le seul apanage des femmes journalistes. Sauf que, pour nous, comme nous sommes exposées et tout le monde nous voit à travers les médias, ce qui se passe dans notre monde est mis en exergue. Mais en réalité, la situation est la même pour toutes les femmes. Bien sûr qu’il y a aussi de la légèreté de la part de certaines femmes, ici, je dis que la légèreté autant que le harcèlement sexuel doivent être dénoncées. Ce sont des actes de perversion que je ne peux pas tolérer.
Le Président de la République a nommé une Conseillère spéciale en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les violences faites à la femme. Est-ce les femmes victimes de ces actes les dénoncent-elles?
Il faut savoir que la dénonciation de violations faites à la femme est un processus. Celles qui arrivent à dénoncer ces violences dans la partie Est du pays, sont appuyées par des organismes mis en place quant à ce. C’est une grande lutte, car il faut convaincre ces victimes à dénoncer leurs bourreaux. Ce n’est pas facile de dire qu’on a été harcelée surtout qu’il faut apporter des preuves matérielles. En tout état de cause, il appartient à la justice de dire le droit en recherchant les infractions de violences faites à la femme. Curieusement, on constate qu’il arrive de fois où le bourreau a été relâché moyennant quelque chose ; soit les familles de la victime s’arrangent avec celles de bourreaux à l’amiable et l’affaire est étouffée. Tout cela ne rassure pas.
Avec tout ce qui a comme sensibilisation sur l’épanouissement, la promotion et l’auto-prise en charge de la femme, à quel stade la femme RD-congolaise se trouve-t-elle aujourd’hui?
La femme est encore très loin même si des avancées ont été réalisées dans la promotion de ses droits. Mais la situation sociale, économique et politique de notre pays pèse sur la femme. Comme les gens ne sont pas bien payés, cette femme se débrouille seule pour nourrir sa famille. On se rend compte que la femme se bat seule sans l’accompagnement du gouvernement RD-congolais. Dans les marchés, il y a plein de femmes. La politique doit fournir des efforts pour permettre à cette femme d’avoir accès à un microcrédit. J’épingle aussi la discrimination existant dans la paie. Les hommes sont mieux payés plus que les femmes. L’article 14 de la Constitution sur la parité n’est pas exactement appliqué.
Il vous arrive de rencontrer les femmes de toutes les catégories dans l’exercice de votre profession. Partagez-vous ce constat selon lequel les femmes RD-congolaises sont plus nombreuses dans les associations que dans la politique?
Les femmes sont partout et dans les manifestations des partis politiques, il y a plus de femmes que d’hommes. La seule difficulté que la femme rencontre c’est d’accéder au poste de prise de décision. Et cela parce que les hommes ne veulent pas respecter la loi sur la parité. Les statuts élaborés par ces partis politiques ne doivent pas violer notre Constitution. Mais, comme il n’y a pas de volonté, la femme est reléguée au second rang. Il faut le reconnaitre, la femme représente  un taux élevé de la population RD-congolaise et un taux très élevé d’analphabétisme. Les familles privilégient les garçons. Aujourd’hui, le Rwanda respecte la parité. Les femmes sont valablement représentées au sein des institutions du pays. La RD-Congo peut aussi le faire, question de sélectionner des femmes compétentes au sein des organisations politiques et sociales.
Quel message adressez-vous à la femme RD-congolaise au niveau politique, familial et éducationnel en ce mois de la célébration de votre journée internationale?
Nous sommes à un moment où les femmes ne doivent pas se tirer dessus. Au contraire, nous devons unir nos forces étant femmes. Qu’il s’agisse de la femme politique, magistrate, avocate, journaliste, ménagère, commerçante, étudiante, cultivatrice, etc. Nous avons le seul combat: arriver à réclamer à ce que nos droits soient respectés. Militer pour mettre fin aux violences faites à la femme surtout dans les zones de conflit où les viols constituent une arme pour nuire à la femme et à la jeune fille voire aux enfants. Nous devons créer la solidarité entre les femmes de toutes les tendances politiques et tribales pour mener à bon port notre combat.

Propos recueillis par Octave MUKENDI & Mymye MANDA

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