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Airbus A321 de FlyCAA: 4 destinations interdites

Il y a 40 ans, le Président Mobutu prenait la mesure de libéralisation de l’exploitation de l’espace aérien en RD-Congo. Les transporteurs aériens privés étaient ainsi autorisés à desservir n’importe quel coin de la République pour autant qu’ils répondent aux exigences normatives dans ce secteur de haute technologie où l’aventure n’est nullement permise. Quatre décennies après, des mesures téméraires et anarchiques semblent ramener le pays au sous-sol du développement en frappant certains opérateurs aériens pourtant qualifiés au nom d’une concurrence déloyale qui ne dit pas son nom.
L’espace aérien est en proie à d’intenses convulsions subséquentes à des mesures de protection surannées visant à assurer le monopole à un exploitant aérien qui a du plomb dans l’aile depuis le début de son exploitation. Il y a trois semaines, tout le monde a applaudi des deux mains le retour à Kinshasa de l’Airbus A321 de FlyCAA frappé d’anathème il y a plusieurs mois de cela et renvoyé sans ménagement au pays d’origine pendant qu’il détenait toutes les autorisations d’usage après les inspections des experts de l’AAC. A la base de cette dérive, l’application de l’arrêté liberticide d’un ancien ministre des Transports et Voies de communication interdisant l’importation des aéronefs âgés de plus de 15 ans en RD-Congo.
Quand la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf
Ironie du sort, dès son retour sur le vieux continent, ce moyen-courrier expulsé de la RD-Congo figurant sur la liste noire de l’Union européenne, a repris du service. C’est comme dans la fable de la Fontaine où la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf. Pendant ce temps au pays des surdoués, la carence des transporteurs aériens normalisés constitue un véritable goulot d’étranglement au point qu’attraper une place à bord d’un avion relève d’un vrai parcours de combattant, avec ce que cela induit comme perte de temps, d’argent et d’énergie. Cet arrêté suicidaire n’a rien apporté de substantiel dans l’amélioration de la couverture aérienne dans le pays.
Bien au contraire, les voyageurs ont été fortement pénalisés car la flotte disponible ne répondait nullement à leur demande. Et pourtant la RD-Congo avec ses dimensions sous-continentales a et aura encore besoin de l’aviation pendant plusieurs décennies pour assurer le déplacement décent des personnes et des biens à travers toutes ses provinces, même dans les coins les plus reculés.
En France avec plus de 8.000 aéronefs enregistrés, et dont la superficie équivaut au quart de la RD-Congo, des dispositions drastiques sont arrêtées pour assurer l’exploitation harmonieuse du transport aérien au mieux des intérêts tant des passagers que des exploitants et de l’Etat français. Le combat se situe au diapason de la concurrence loyale à travers la qualité des services offerts à la clientèle avec une gamme variée d’avantages les uns aussi alléchants que les autres pour la fidélisation des voyageurs. Même les compagnies low cost y trouvent leurs comptes.
Libéralisation du transport aérien par le Président Mobutu
En RD-Congo avec sa portion congrue d’aéronefs, les choses se passent comme si l’on était revenu à l’époque de la pierre taillée, tant les décideurs se perdent dans des positions aux antipodes des directives pertinentes visant à booster ce secteur hautement sensible.
Dans ce pays à forte vocation aérienne, ce sont les commerçants qui font l’aviation. Cette sentence sans appel des experts de l’Organisation de l’aviation civile internationale -OACI- aux cendres encore incandescentes aurait dû pousser les dirigeants en charge du secteur du transport aérien à se remettre trente-six fois sur le métier pour apporter les correctifs nécessaires à l’assainissement de l’espace aérien RD-congolais. Force est de constater que cette cotation de l’organe faîtier du transport aérien à l’échelle planétaire -16%- n’ait pas induit les effets escomptés en terme de révision drastique de la politique générale de l’aviation civile en RD-Congo.
En 1978, le Président Mobutu Sese Seko a signé l’Ordonnance portant libéralisation de l’exploitation de l’espace aérien RD-congolais jusque-là placée sous le monopole de la première compagnie aérienne nationale Air Zaïre -Lignes aériennes congolaises -LAC.  L’opinion se souviendra qu’à l’époque, «le Léopard volant» originel alignait une flotte de 2 DC-10-30, 2 Super DC-8-63F, 2 B.737-200 et 4 Fokker-27 qui quadrillaient non seulement toutes les provinces tant en exploitation radiale qu’axiale, mais aussi portaient haut l’étendard du pays dans les espaces aériens africain, européen et au-delà. Cette compagnie nationale de référence tenait la dragée haute face aux transporteurs aériens étrangers en s’accaparant même la plus grosse part des marchés en devançant des majors tels que Sabena, Suissair, UTA, Iberia, Alitalia, British Airways, etc.
Couverture maximale de l’espace aérien national
Selon l’esprit et la lettre de l’Ordonnance de 1978, les transporteurs aériens privés placés sous l’administration de la direction de l’aviation civile RD-congolaise répondant aux normes exigées en la matière, étaient désormais habilités à opérer sans restriction. L’objectif ultime fixé était la couverture maximale de tout le territoire national, sans qu’il n’y ait de longues périodes de rupture ni d’attente pour l’évacuation des passagers et du fret d’un point à l’autre du territoire national.
Hélas, cet objectif n’a jamais été atteint, toutes les compagnies aériennes privées créées ex nihilo préférant se concentrer sur les axes porteurs rodés par Air Zaïre plutôt que d’accepter d’exploiter parfois à fonds perdus sur certaines lignes déficitaires. Au fil des décennies, la carence des mesures incitatives n’a pas permis d’apporter les corrections nécessaires à toutes ces insuffisances notoires au point qu’à ce jour, les passagers sont contraints d’attendre plusieurs semaines, voire des mois avant de voir passer un avion de ligne.
La RD-Congo, aux dires des experts en aviation civile internationale, a besoin de plusieurs compagnies aériennes avec une flotte conséquente pour faciliter la mobilité des personnes ainsi que l’évacuation des biens et de la poste. A ce jour, point n’est besoin de décréter la fatwa contre certains opérateurs aériens qui détiennent pourtant des arguments solides en vue d’assurer une exploitation aérienne dans les normes de sécurité et de sûreté.
L’Airbus A321 ferait ombrage à certains concurrents
Ceci n’est un secret pour personne, dans les couloirs de la direction de FlyCAA, des langues se délient pour fustiger des interventions intempestives dans l’ombre de certaines autorités du pays qui auraient décidé d’interdire à cette compagnie l’exploitation des escales de Kisangani, Kindu, Mbandaka et Kisangani. Et pour cause? Le produit de FlyCAA, l’Airbus A321 ferait ombrage à certains concurrents qui risquent de voler à vide et alourdir davantage l’ardoise. Or, en ce moment, aucune compagnie aérienne ne peut accepter d’exploiter à perte sans l’intervention du gouvernement dont on connait le penchant.
Sous d’autres cieux, ce problème a longtemps été résolu. Les compagnies aériennes ont signé des accords pour former de grands groupes et faire ainsi ensemble face au marché en se soutenant mutuellement à travers la mutualisation des travaux de maintenance, de l’achat du carburant, de la coordination des vols et des tarifs, de la formation du personnel, etc. Chacune d’elle y trouve son compte. C’est du reste dans l’esprit de l’aviation qui est avant tout un  travail en chaîne où chaque maillon doit jouer pleinement son rôle. Cette philosophie n’est pas comprise en RD-Congo où chacun cherche à tirer la couverture de son côté malgré les faiblesses que comporte cette évolution archaïque en solo.
Il est temps que les autorités qui ont le transport aérien dans leurs attributions puissent se ressaisir et changer leur fusil d’épaule. Déjà, les transporteurs aériens battant pavillon RD-congolais sont exposés à la rude concurrence leur imposée par les compagnies aériennes africaines telles que South African Airways, Kenya Airways, Ethiopian Airlines et autres transporteurs sous régionaux qui viennent, sans contrepartie, pomper les passagers et le fret dans le marché intérieur du pays pendant que la réciprocité est quasi inexistante. Des tubes digestifs seraient remplis au détriment des caisses de l’Etat. Au moment où les droits de trafic sont distribués à qui mieux mieux aux compagnies étrangères, la moindre des choses serait l’application de l’arrêté du Maréchal Mobutu réglementant la libéralisation de l’espace aérien RD-congolais au profit des transporteurs privés du pays.

Tino MABADA

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