ActualitésInterview

Robert Nkumu: «L’UDPS ne peut pas gérer le pays sans une Opposition républicaine»

Co-fondateur de l’Union pour la démocratie et le progrès social -UDPS- et membre de la Commission électorale permanente de ce parti -CEP, Robert Nkumu Lobaka a été l’invité de l’émission «Magazine d’actualités pour tous» de la RTNC-3 et du journal AfricaNews. Il a abordé les questions liées à l’avènement du président Félix Antoine Tshisekedi à la magistrature suprême, la corruption présumée des députés provinciaux à l’élection des sénateurs, la contestation de Martin Fayulu, la levée des boucliers des combattants de l’UDPS, et autres. Il invite les perdants à la présidentielle de constituer une Opposition forte et constructive. Il voit en Félix Tshisekedi un espoir pour le développement de la RD-Congo à condition que tout le peuple puisse soutenir son action. Entretien.

Vous avez mené 37 ans de lutte démocratique en RD-Congo et aussi 37 ans pour parcourir les 5 km de Limete au Palais de la nation à Gombe. Comment avez-vous personnellement accueilli la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle du 30 décembre 2019?

C’est avec une grande émotion et une immense joie que j’ai accueilli cette nouvelle. Tout le peuple congolais et les combattants de l’UDPS ont été dans la liesse populaire. Me trouvant à Mbandaka en ce moment-là, j’ai palpé du doigt l’ampleur de la satisfaction et des réjouissances de la population. Notre marche a été parsemée de beaucoup d’embûches, notamment les emprisonnements à répétition que les cadres du parti ont endurés pour parcourir 5 km de Limete au Palais de la nation. C’est grâce à Dieu que Félix Antoine Tshisekedi a été élu Président de la République. C’est pourquoi, le jour de l’investiture, toutes les fédérations de l’UDPS ont effectué le déplacement de Kinshasa pour vivre de visu les différentes péripéties de la cérémonie de passation pacifique et civilisée du pouvoir ainsi que la prestation de serment au Palais de la nation. Nombreux sont ceux des cadres qui n’ont pas encore regagné leurs provinces, préférant palper du doigt les premiers pas du chef de l’Etat dans l’exercice de ses nouvelles charges.  

Au-delà de l’immense joie d’une frange importante de la population, cette victoire est contestée par certains de vos amis avec lesquels vous avez cheminé dans l’Opposition qui estiment que Tshisekedi l’a volée à Martin Fayulu ?

En démocratie la contestation est de mise car on ne peut pas avoir l’unanimité. Laissez-moi vous dire que les gens qui contestent la victoire de Félix Tshisekedi n’ont pas apporté devant la Cour constitutionnelle les éléments probants de leurs allégations. La CENI a proclamé Félix Tshisekedi Président élu avec plus de 7 millions de voix, suivi de martin Fayulu 6 millions de voix, puis d’Emmanuel Ramazani Shadary 4 millions de voix. Personne n’a convaincu la Cour constitutionnelle du contraire. Depuis lors, Martin Fayulu est devenu un homme insaisissable, sillonnant en toute liberté et sans entraves les provinces de la République ainsi que l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique pour revendiquer la vérité des urnes.

Et pourtant Martin Fayulu et Félix Tshisekedi ont les mêmes atomes crochus?

Martin Fayulu est membre de l’Opposition au même titre que les autres acteurs politiques qui ont évolué au sein du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement -RASSOP. Le problème est que la RD-Congo a des opposants atypiques. Leurs alliances ne reposent par sur un socle solide en termes d’idéologie partagée ni projet de société identique. Martin Fayulu, Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Freddy Matungulu, Adolphe Muzitu, Félix Tshisekedi, Vital Kamerehe et autres ont tous opéré un rapprochement stratégique dicté par les besoins de la cause étant entendu que l’Opposition ne pouvait nullement battre Joseph Kabila et sa grande machine en procédant en ordre dispersé. Il y a eu le flop de Genève, suivi de l’Accord de Nairobi. A ce jour, le débat sur le vainqueur de l’élection présidentielle est à placer dans la chemise de l’histoire au regard de l’épuisement de toutes les voies de recours empruntées par les contestataires sans apporter la moindre preuve palpable de leurs prétentions.  

Ne craignez-vous pas que la démarche de Lamuka puisse torpiller la bonne marche du programme de gestion de Tshisekedi?

Pas du tout. Ils n’y arriveront jamais. L’UDPS n’entend nullement avoir un pouvoir monolithique car elle s’est battue pour la démocratie intégrale. Maintenant qu’elle tient les rênes du pouvoir, l’UDPS ne peut pas gérer le pays sans une Opposition solide et responsable, bref républicaine. C’est exclu. Nous demandons plutôt à nos amis de se déployer partout, de poser des actes positifs pour que le pays aille de l’avant. Leur présence au Parlement leur offre l’opportunité de contrôler et de contredire l’action gouvernementale d’une manière constructive. Une Opposition forte s’impose pour aider le pouvoir à apporter des corrections et mieux recadrer ses actions. Il n’y a aucune crainte de notre part car nous ne voyons pas comment ils peuvent empêcher le Président de la République de travailler. 

Les combattants de l’UDPS ont déversé leur bile sur leurs députés provinciaux accusés de corruption pour avoir accordé leurs voix aux candidats sénateurs d’autres partis en défaveur de ceux de l’UDPS. Que s’est-il passé pour en arriver là ?

Dans cette affaire de lutte contre la corruption, ce n’est pas l’UDPS qui a pris l’initiative. Avant la révolte des combattants, le go a été donné avec le désistement de certains candidats sénateurs qui ont pignon sur rue, notamment Adam Bombole Intole, Emmanuel Luzolo Bambi, Evariste Mabi Mulumba, Mvidiye Tshimanga, Alain Atundu, etc. Certains ont même brandi des preuves qui ont défrayé la chronique jusqu’à saisir le procureur général de la République quant à ce. La corruption s’est déroulée à une très large échelle qui dépasse le cadre restreint des députés provinciaux de l’UDPS.  

Au-delà des leviers économiques et des problèmes de développement dans notre pays depuis 1990, l’Eglise catholique a relevé neuf fléaux qui gangrenaient en son temps notre pays. Aujourd’hui tous les RD-congolais sont d’accord qu’il se pose un sérieux problème d’hommes dans notre société, qui a perdu sa boussole avec la prédominance des antivaleurs. Or, la démocratie et le développement sont possibles s’ils sont soutenus par une population cultivée et avec des dirigeants honnêtes, intègres et responsables. La guerre que nous avons connue a plongé le pays dans le chaos avec plus de six millions de morts, des actes de viol, de massacres, d’anthropophagie, de concussion, de corruption, bref de violations flagrantes des droits humains et libertés fondamentales. Le président Félix Antoine Tshisekedi place la moralisation de la société congolaise et la lutte contre les antivaleurs au premier plan de son combat pour le développement intégral de l’homme.  

Les combattants en furie ont mené une expédition punitive contre leurs députés provinciaux. Ils ont marché à Kinshasa où ils ont brûlé les pneus. A Mbuji-Mayi, cette levée de boucliers a pris une mauvaise tournure avec la mort d’un policier et d’importants dégâts matériels en termes de destruction et incendie des biens meubles et immeubles de certains députés présumés corrompus…

Si vous voulez chercher les responsables dans cette affaire, ce ne sont pas les combattants de l’UDPS, mais les dirigeants de la CENI. Avant la furie des combattants, le procureur général près la Cour de cassation a saisi la CENI pour solliciter la surséance de l’élection des sénateurs et des gouverneurs. Mais la CENI a refusé et a organisé cette élection en violation de l’article 160 de la Constitution qui exige au préalable que le règlement intérieur et les autres édits votés par les Assemblées provinciales soient déclarés conformes à la Constitution par la Cour constitutionnelle. C’est une violation de la Constitution. L’UDPS rend la CENI responsable de tous les actes de protestation découlant du non-respect par elle des dispositions légales ci-évoquées. Même l’élection des membres des bureaux définitifs des Assemblées provinciales tombe sous le coup de cette illégalité. A l’opposé, les députés élus de l’Assemblée nationale tenu à adopter le règlement intérieur, l’ont envoyé par la suite à la Cour constitutionnelle pour constater leur conformité à la Constitution avant de procéder à l’élection du bureau définitif. Tous les actes de vandalisme liés à cette élection illégale sur fond de corruption incombent à la CENI.

Comment une question interne à l’UDPS est devenue une affaire d’Etat au point que vos combattants se soient donné le luxe de rencontrer le chef de l’Etat confondant par le fait même son rôle du Président de la République et celui du chef d’un parti politique, un fait privé ?

Une rectification s’impose sur la présentation des faits. Les combattants de l’UDPS ont réagi contre l’organisation de l’élection des sénateurs par la CENI en dénonçant vigoureusement les actes de corruption qui l’ont émaillée. Ils n’ont pas sollicité une audience auprès du Président de la République. Ils sont allés manifester leur mécontentement aux sièges de la CENI et de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Au vu de leur réaction chaude, les autorités en charge de la sécurité de la ville ont estimé mieux de saisir la haute hiérarchie. Une délégation restreinte a été reçue en privé par le chef de l’Etat qui leur a aussitôt conseillé de garder le calme et la discipline. La plus haute autorité du pays a le loisir de recevoir les RD-Congolais de toutes les couches sociopolitiques. Quant à la gestion de l’UDPS, elle repose désormais sur les épaules de Jean-Marc Kabund.  

Avez-vous des preuves de corruption des députés provinciaux?

Vous devez savoir que les corrompus dissimilent toujours des preuves. Pour le cas d’espèce, les députés de l’UDPS ont signé un acte de loyauté et de fidélité au parti. Nous avions proposé cela en tenant compte de ce qui s’est passé en 2011 quand les 45 députés ont refusé de suivre le mot d’ordre du président Etienne Tshisekedi wa Mulumba d’heureuse mémoire de ne pas siéger à l’Assemblée nationale. Nous avions nos candidats sénateurs. Si nos députés provinciaux ne les ont pas votés, ceci constitue un acte de trahison et d’infidélité au parti. Ils doivent en tirer toutes les conséquences. D’ailleurs, le parti va mettre sur pied une commission d’enquête pour faire toute la lumière et sanctionner tous les députés provinciaux qui ont transgressé les directives du parti.

Votre dernier mot?

Je demande à tous les RD-congolais de soutenir l’action du Président de la République et ensemble nous allons bâtir un pays plus beau qu’avant.

Propos recueillis par Octave MUKENDI 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page