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France, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne: voici comment l’Europe gère la retraite des anciens Présidents de la République et anciens Premiers ministres

Les ex-Chefs de l’Etat coûtent aux contribuables français plus d’un million d’euros par an. Sans que ce régime n’ait vraiment de base légale. Ailleurs en Europe, les anciens dirigeants sont plus ou moins bien traités, quel qu’ait été leur pouvoir effectif.

La cinquième République française est souvent qualifiée de «monarchie républicaine». Elle l’est certainement au regard des conditions faites aux anciens Chefs de l’Etat qui, en vertu d’une simple «lettre discrétionnaire» du premier ministre Laurent Fabius datant de 1985, bénéficient pour le reste de leur vie d’avantage en nature dignes des princes de sang.

D’autant que l’argent des contribuables consacré au train de vie des ex-présidents est déterminé unilatéralement par le pouvoir en place sans que les représentants élus du peuple aient la moindre voix au chapitre. Cette réalité a été récemment soulignée par un article du «Canard Enchaîné» en date du 2 mars relatant le fait que deux officiers de marine affectés au service de Valéry Giscard d’Estaing et qui s’estimaient débordés de travail se sont vu renforcés, sans autres formalités qu’une simple décision unilatérale, par deux officiers supplémentaires issus du même corps.

L’ancien président Chirac n’est pas en reste. Les 19 fonctionnaires affectés à son service coûtent au contribuable, selon un décompte effectué par le quotidien «France Soir», la bagatelle de 974.000 euros annuels! Sans compter la pension annuelle de l’ex-président -63.000 euros bruts cumulables avec d’autres traitements et retraites- équivalente à la retraite d’un conseiller d’Etat. Mais là, cette retraite est légitime puisque sa base a été fixée par une loi de 1955.

Le fait du Prince

Pour le reste, c’est à dire l’essentiel constitué par les avantages en nature et en personnel, rien qui ressortisse de la loi ou fasse l’objet d’un moindre contrôle. La «lettre discrétionnaire» de 1985 dresse cependant la liste de ces avantages, une liste, semble-t-il non limitative, comprenant:un bureau-appartement -les charges et le téléphone sont au frais du contribuable-, deux employés de maison, deux gardiens de la paix devant leur domicile, une voiture avec deux chauffeurs, deux gardes du corps, un directeur de cabinet, deux secrétaires particuliers, un employé des archives nationales, trois secrétaires sténo dactylo, le gardiennage, par des gendarmes, des propriétés des ex Présidents, un service de sécurité -deux gendarmes en tenue de combat, deux gardiens de la paix, deux gendarmes sur les toits de la résidence de l’ex Président de la République- et une place de parking pour la voiture de fonction.

Un «état major» d’au moins 19 personnes accordé par le fait du Prince! A noter que les deux anciens présidents, sans doute soucieux d’épargner le contribuable, n’ont pas recours à l’appartement de fonction qui leur est pourtant proposé…

Avantages nettement plus modestes pour les ex-premiers ministres

Si le «monarque constitutionnel» est traité comme un nabab, les anciens premiers ministres bénéficient d’avantages eux aussi. Des avantages nettement plus modestes -mais ils sont quand même dix- puisqu’ils n’ont droit qu’à une voiture de fonction, une secrétaire et un chauffeur-garde du corps. Encore une fois, ces dispositions ne relèvent pas de la loi, mais de la «tradition»…

La France est-elle une munificente exception en Europe? Pas complètement dans la mesure où les conditions faites aux ex-premiers ministres britanniques et aux ex-présidents de la république italienne sont assez substantielles. Le régime appliqué aux ex-présidents du conseil italiens -véritables chefs de l’exécutif mais très nombreux, il est vrai!- est toutefois beaucoup plus modeste. Et si les ex-présidents du gouvernement espagnol sont assez bien lotis, les ex-chanceliers d’Allemagne sont quasiment au régime sec. A la différence des anciens présidents de la République Fédérale dont le pouvoir est pourtant pratiquement nul. Petit tour d’Europe.

Royaume-Uni: coûteuse représentation

Les anciens Premiers ministres britanniques ne se retrouvent pas à la rue à la fin de leur mandat. Loin de là! Tout d’abord, une indemnité pour coûts de fonction publique leur est attribuée depuis 1991 pour qu’il puisse opérer professionnellement. Les frais remboursables -sur facture- s’élevaient au maximum à 100.205 livres sterling -soit 118.000 euros- par an en 2010.

Mais tous les anciens Premiers ministres ne réclament pas l’intégralité de cette somme: à eux trois, Margaret Thatcher, John Major et Tony Blair n’ont demandé sur l’année 2008-2009 que 224.000 euros, soit un peu moins des deux tiers de leur plafond. A noter que ce plafond n’était que de 56.000 euros en 1997-98, il a donc plus que doublé en treize ans.

Légalement, les anciens Premiers ministres sont autorisés à percevoir une retraite depuis 1937. Elle s’élevait alors à l’équivalent de 82.000 euros annuels, avant de passer en 1972 à 15/40e de leur salaire de Premier ministre et en 1991 à 50% de leur salaire. Gordon Brown aurait donc pu percevoir 76.400 euros par an en tant que Premier ministre mais il a suivi en janvier 2008 les conclusions d’une étude sur les hauts salaires.

Celle-ci établissait que cette retraite spéciale n’était plus justifiée, en raison des capacités des anciens Premiers ministres de gagner de l’argent après leur mandat, ce qui n’était pas considéré comme «digne», avant que Margaret Thatcher ne rompe avec cette tradition. Actuellement, Gordon Brown ne toucherait donc qu’une retraite ministérielle, qui sera cumulée à sa retraite de parlementaire lorsqu’il quittera son poste de député: soit un peu plus de 70.000 euros par an.

En plus de ces émoluments financiers, les anciens Premiers ministres reçoivent des avantages en nature. Un chauffeur et une voiture sont mis à leur disposition depuis 1975. Surtout, et c’est dans ce domaine que des scandales ont eu lieu, leur domicile est protégé en permanence et leur sécurité personnelle, sur le sol britannique comme à l’étranger, est assurée par l’unité de Scotland Yard SO1, également en charge des ministres actuels. Tony Blair a ainsi récemment fait la une de plusieurs quotidiens en raison des sommes astronomiques réclamées par ses aides: environ 295.000 euros alors que la sécurité de Gordon Brown lors de sa présence au 10 Downing Street s’élevait à 158.000 euros.

Espagne: un cumul qui fait scandale

Les anciens présidents du gouvernement espagnol bénéficient d’une pension à vie dont le montant est fixé chaque année dans la loi du Budget. Elle est actuellement d’environ 80.000 euros. En outre, ils disposent d’un staff de deux personnes et de fonds pour les dépenses de bureau. Ils disposent, ainsi que leur conjoint, d’une voiture de fonction avec chauffeur, et de services de sécurité mis à disposition du ministère de l’Intérieur. L’annonce récente du recrutement en tant que conseillers des anciens présidents José María Aznar -Parti Populaire, de droite- et Felipe Gonzalez -Parti Socialiste-respectivement chez Endesa et Gas Natural a suscité la polémique. Certains partis minoritaires ont dénoncé le cumul des rétributions issues de ces activités privées -selon la presse espagnole: 200.000 euros annuels pour José Maria Aznar, et 126.500 euros annuels pour Felipe Gonzalez.

Allemagne: le chancelier à la portion congrue

Le traitement d’un chancelier fédéral n’est pas différent de celui de ses ministres après son départ de fonction. Il peut conserver son logement de fonction pendant 3 mois et a droit à la totalité de sa solde -15.000 euros par mois-, là encore pendant 3 mois, puis à la moitié pendant encore 21 mois. S’’l retourne dans la fonction publique, il perd tout et touche son traitement régulier. Du coup, il est souvent valable de se jeter dans le privé. Gerhard Schröder a ainsi accepté une foule de postes de conseillers ou d’administrateurs et il touchait en 2007, selon une étude d’un magazine de 2007, 1,5 million d’euros par an, soit près de 6 fois ce qu’il touchait jadis. Ce comportement a été cependant critiqué, car on a jugé, notamment dans le cas de sa collaboration avec Gazprom, qu’il utilisait des informations liées à son mandat.Le traitement des anciens présidents fédéraux, le chef officiel de l’Etat en Allemagne, est plus généreux. Il dispose après son départ d’un bureau dans la ville de son choix et de personnels payés par l’Etat. Il continue de toucher son traitement de 199.000 euros par an, mais doit se passer des 78.000 euros de défraiement prévus pendant son mandat. Cette somme peut toutefois être réduite jusqu’à 80 % s’il dispose d’autres revenus.

Italie: le président rafle la mise

L’ex-président de la République italienne devient automatiquement sénateur à vie. A ce titre, il a donc droit à un bureau au Sénat, dans le Palais Justinien et de tous les autres privilèges réservés aux sénateurs. L’ex-président peut bénéficier d’un staff de 8 employés, mais il est possible de diviser chaque emploi en deux ce qui fait monter le nombre d’employés à 16 personnes… Il peut aussi utiliser les avions, trains et bateaux de l’état. S’il est difficile de comptabiliser son salaire exact, le bureau des ex-présidents dispose d’un budget de 700.000 euros par an. De 2006 à 2012 le salaire moyen pour un sénateur était de 5.613,63 net auquel il faut ajouter l’assurance santé.

Pour ce qui est du président du Conseil il reçoit une «indemnité»-vitalizio- à vie à partir de 65 ans. Le montant du chèque varie d’un minimum de 25 % à 80 % de l’indemnité parlementaire sur base du mandat parlementaire et des années de service. Traitement modeste donc pour le chef de l’exécutif italien qui n’a même pas droit à des avantages honorifiques dont la Péninsule a le secret. Comme le droit, accordé aux ex-présidents de la Cour constitutionnelle, de donner après leur mort leur nom à une rue du quartier aurélien de Rome!

fr.myeurop.info

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